Voir un article de Paul Guth de 1951
Pol Vandromme est décédé en 2009
BIBLIOTHÈQUE NATIONALE DE FRANCE
DÉPARTEMENT DES MANUSCRITS
NOUVELLES ACQUISITIONS FRANÇAISES (NAF)
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NAF 28491. FONDS JACQUES PERRET
XXe siècle. Don 07-59, 2007.
I. Œuvres.
NAF 28491 (1-2). La Compagnie des eaux.
Epreuves corrigées par l’auteur.
NAF 28491 (1). Première enveloppe.
Paginés 1-203.
NAF 28491 (2). Seconde enveloppe.
Paginés 204-284.
NAF 28491 (3). Tirelires.
Manuscrit autographe et dactylographie corrigée.
Les feuillets 39bis et 39ter proviennent du dossier Une Histoire en or et ont été intégrés à la fin de la première version du Violoncelle. Les feuillets 297-319, rassemblant Les Matelots du Montparnasse, étaient contenus dans une chemise séparée du dossierTirelires.
F. 1-242. Un Violoncelle.
F. 3-39ter. Première version.
F. 40-113. Deuxième version.
F. 114-212. Troisième version.
F. 213-242. Épreuves corrigées.
F. 243-294. La Petite fille de Noël.
F. 243-261. Première version.
F. 262-294. Seconde version.
F. 295-319. Les Matelots du Montparnasse.
F. 320-342. Une Grenouille.
NAF 28491 (4-10). Souvenirs.
NAF 28491 (4). Grands chevaux et dadas.
Dactylographie corrigée.
Au feuillet 182, lettre datée du 3 avril 1975 à Paris de Suzanne Duconget, éditions Gallimard, à Jacques Perret.
F. 1-90. Première version.
F. 81-181. Seconde version.
182 f.
NAF 28491 (5-7). Raisons de famille.
Dactylographie corrigée.
NAF 28491 (5). Première version.
341 f.
NAF 28491 (6). Deuxième version.
330 f.
NAF 28491 (7). Troisième version.
295 f.
NAF 28491 (8-9). Un marché aux puces.
NAF 28491 (8). Première et deuxième version.
Manuscrit autographe (première version) et dactylographie corrigée (deuxième version).
NAF 28491 (9). Troisième version.
Dactylographie corrigée.
NAF 28491 (10). Belle lurette.
Manuscrit autographe et dactylographie corrigée.
Les feuillets 176-232, rassemblant les épreuves corrigées du texte L’Île-de-France (1966), proviennent du dossier Tirelires et ont été intégrés dans le manuscrit autographe de Belle lurette. Aux feuillets 264-301, dactylographie corrigée partielle de Belle lurette.
301 f.
NAF 28491 (11-12). Pièces radiophoniques.
NAF 28491 (11). Une histoire en or.
Dactylographie corrigée.
NAF 28491 (12). Un général qui passe.
Dactylographie corrigée.
NAF 28491 (13). Projet de roman inachevé.
Manuscrit autographe et dactylographie corrigée.
II. Articles et textes divers.
NAF 28491 (14-15). Articles de sport.
NAF 28491 (14). Manuscrit autographe, dactylographie corrigée et coupures de presse.
NAF 28491 (15). Photocopie des épreuves corrigées.
NAF 28491 (16). Articles pour Itinéraires.
Manuscrit autographe et dactylographie corrigée.
NAF 28491 (17). Articles et textes divers.
Manuscrit autographe et dactylographie corrigée.
III. Documents divers.
NAF 28491 (18). Documents relatifs à la Guyane et à la seconde guerre mondiale.
Ce dossier rassemble notamment des photographies, carnets de notes et documents relatifs au séjour de Jacques Perret en Guyane.
Le Grand Conseil, Editions de Paris, 2006
"[...]Le critique Georges Laffly, dans un livre joliment intitulé Le Grand Conseil, consacre tout un chapitre à Perret, fournissant ainsi une excellente introduction à
l’œuvre de cet amoureux des mots. Il offre surtout le prétexte de clamer une fois encore : un Perret, sinon rien. "
Philippe Maxence, Le Figaro Magazine, 4 mars 2006
"(...) J'ai écrit ce livre à l'imparfait. Je voulais ainsi entrer dans les vues des difamateurs de Perret. Ce n'était, pour eux, que le témoin litéral d'un monde révolu, qu'un auteur stérile, sans avenir, à la ringardise burlesque. Plus je le fréquentais, pour mieux le comprendre, plus la carricature dont il était affublé me parassait mensongère, voire provocatrice. On pouvait le lire en écologiste du Larzac ou en gauchiste de la barricade de Maurice Clavel, et y retrouver une part au moins de son patrimoine. Ses idées sur la recherche démentielle du profit, l'équilibre menacé de la planète, l'empire du despotisme mercantile s'affichaient sur les murs des tagueurs et sur les pancartes des cortèges protestataires.
L'oeuvre de Perret conjugue au présent la première des vérités temporelles ; l'incompatibilité entre l'augmentation constante du niveau de vie et le maintien de la qualité de la vie ; la certitude que dans les sociétés libérales la loi du marché, frénésie contraignante, exaspère la sauvagerie du capitalisme et, dans les sociétés encasernées, l'étouffoir d'une bureaucratie omniprésente et parodique ajoute le ridicule à la cruauté bestiale d'un Etat policier. Bref, qu'on ne gouverne pas les hommes par la seule efficacité économique et la promesse d'un progrès social infini ou par une pensée messianique organisée selon la méthode de la terreur jacobine et expérimentée comme un nihilisme en transe.(...)"
Jacques PERRET, Pol Vandromme, Editions du Rocher, Monaco, 2006
« Donc un soir d'octobre, nous décidâmes, Collot et moi, de mettre au sec notre bateau sur le radier de l'écluse d'Honfleur. Nous voulions lui gratter la coque, éventuellement passer un petit coup de peinture cuivrée. De toute manière, il est bon de voir un peu, de temps en temps, ce qui se passe là-dessous. On ne sait jamais. A votre insu, le bateau peut traîner sous lui un monstre à ventouse, un triton suceur d'étoupe, un massif de sargasses, une colonie d'huîtres perlières, une cuisine de bigorneau, un vieil espadon fiché ou même une portée de matamousets, navicules en bas-âge accrochés à la coque maternelle. N'oublions pas qu'il s'agit d'œuvres vives, et tout ce qui vit a sa part de mystère. Ainsi, nous quittâmes le bassin à flot pour gagner l'avant-port où nous serions à pied d'œuvre, le lendemain matin, pour passer au radier. Nous eûmes la chance de nous amarrer près d'une échelle et, comme l'heure du dîner approchait, nous partîmes en ville pour quelques achats, non sans avoir donné ce qu'il fallait de mou à nos amarres, car le jusant avait commencé ; nous n'en sommes plus, faut-il le dire, à cet âge de la plaisance où, revenant de l'apéritif, on trouve son bateau suspendu au quai à six pieds au-dessus du niveau de la mer. Les commissions en ville, vous savez ce que c'est, on rencontre des gens, on accepte une ou deux tournées, on les rend, on traîne un peu, et nous avions la conscience tranquille en pensant que le bateau s'occupait à faire sa souille, confortablement, dans la vase; et nous savions que la vase d'Honfleur est d'un moelleux exceptionnel, pleine d'attention pour les coques en bois et toujours prête à leur raconter mille histoires de l'ancien temps, car la vase est douée d'une mémoire prodigieuse. Le bateau ne s'ennuyait pas ; nous pouvions donc, sans arrière-pensée, prolonger un peu le muscadet.
Or, sur le chemin du retour, la nuit tombée, nous vîmes bien que l'échouage était accompli, mais le bateau n'offrait pas dans l'ombre une silhouette particulièrement satisfaisante. Il n'était pas, comme d'habitude, installé honnêtement dans la vase, mais couché dessus, vautré sur bâbord. Une inclinaison qui allait chercher dans les 45°, peut-être 46. Dans une telle posture, le bateau qui ne vous est rien, le bateau d'autrui, peut évoquer le prélassement douillet et l'indolence totale, mais quand il s'agit d'un bateau à soi, l'imagination travaille autrement, on se pose des questions, on se demande même si la pose abandonnée ne cacherait pas un mauvais coup. Quoi qu'il en soit, en mettant les pieds à bord, nous comprîmes tout de suite que la veillée serait moins agréable que nous ne l'avions rêvée. Pour commencer nous décrétâmes, à plusieurs reprises et sur des tons divers, que le bateau ne courait aucun danger, que la vase était saine, que s'il avait raté sa souille, il n'en soulagerait pas moins au premier flot. Après quoi, nous envisageâmes de faire la cuisine, comme si de rien n'était; résolution difficile à tenir, car l'univers oblique ne saurait passer inaperçu pour deux hommes habitués à l'existence verticale, comme nous l'étions Collot et moi. La surface ordinairement affectée aux pieds n'était plus utilisable ; si le bateau avait été couché sur le flanc, carrément, nous eussions pu tenir debout sur les placards, et s'il avait été sens dessus dessous, nous eussions marché sans peine au plafond, car le monde à l'envers, loyalement à l'envers, est beaucoup plus habitable qu'un monde seulement penché ou un peu de travers.
Certes, le tangage et le roulis nous avaient déjà abondamment renseignés sur la fragilité essentielle de toutes les horizontales du bord, mais là, nous étions figés dans le déséquilibre, bloqués dans la fausse équerre, immobilisés dans le biais. D'abord, nous essayâmes de nous cramponner à la pente, par fidélité instinctive au plancher, mais un plancher perd son nom quand il devient abrupt et il n'y avait pas lieu de passer la nuit à bord comme des montagnards en perdition, pendus aux aspérités. Il n'y avait qu'à, dites-vous, passer la nuit à l'hôtel ; non, ça ne se fait pas.
Cette précieuse verticale indispensable à notre équilibre, nous la trouvâmes enfin à la jointure angulaire des membrures et des varangues; c'était là désormais que passait la gravitation universelle, mais le pied de l'homme n'étant pas fait pour marcher dans les angles, nous adoptâmes la position assise. Dociles aux invitations de la pesanteur, nous nous accroupîmes lâchement contre le bord gîté mais, sous le poids, il nous sembla que le bateau se couchait un peu plus et, tout en répétant d'une voix ferme que la coque ne risquait absolument rien, nous gravîmes de nouveau la pente pour nous caler sur tribord, le derrière dérapant sur la couchette mais les jarrets tendus pour arrêter la glissade. C'est dans cette position que, derechef, nous envisageâmes de cuisiner.
De leur côté, cela va de soi, les objets étaient soumis à des perturbations analogues ; pour mieux dire, ils s'étaient immobilisés dans leur nouvel état, sans se préoccuper de l'insolite et nous plaçant devant le fait accompli. La vaisselle, entre autres, avait forcé son placard pour occuper ici et là de nouveaux postes nullement disposés à la recevoir. Pourtant, il semblait que tous les objets fussent complices d'une option pour l'incongru définitif. On ne peut pas s'adapter en cinq minutes au biseautage de la condition naturelle de l'homme. Il nous fallait réviser, une à une, toutes les notions acquises et tous les gestes appris dans une société construite à la fois sur le respect de la perpendiculaire et l'illusion d'optique. Un lecteur malveillant pourrait insinuer que le muscadet avait partie liée avec ces dérangements, mais c'est éluder le problème au moyen d'une médisance gratuite. Les esprits sérieux, en revanche, et tant soit peu scientifiques me comprendront fort bien quand j'aurai précisé que notre égarement était entretenu par l'absence de repère; le capot était fermé, impossible de se référer aux perspectives du monde extérieur, nous étions coincés, piégés dans l'aberration et victimes d'une éducation qui nous interdisait d'y consentir. Pendue au plafond, la lampe nous renseignait, en principe, sur la verticale orthodoxe, mais le spectacle était si troublant que nous préférions en détourner les yeux. C'est dans ces conditions que le réchaud fut installé sur une planchette compensatrice, établie à l'horizontale présumée; mais nous étions loin de compte à en croire l'eau de la casserole qui, précisément, se déversa sur le seul côté où nous ne l'attendions pas. Comme pour s'épargner la vue d'un témoignage pénible, et sous prétexte de favoriser l'ébullition, Collot coiffa la soupe à l'oignon d'une assiette en guise de couvercle, non sans avoir corrigé l'inclinaison du réchaud, et l'assiette aussitôt lâchée glissa; nous aurions donné notre tête à couper qu'elle devait glisser dans l'autre sens. L'appétit fut médiocre. On ne mange pas de bon cœur quand, autour de soi, se déglinguent les trois dimensions qui vous soutiennent depuis l'enfance.
Il semblait que l'odeur de la soupe à l'oignon eût un peu entamé les positions du désordre quand il se produisit un phénomène absolument extraordinaire. Sur la planche dont nous avions, de nouveau, modifié la pente et sur laquelle nous venions de cuisiner avec un succès relatif, mon ami déposa la boîte de camembert. Je ne sais pourquoi il déposa la boîte non à plat mais sur champ. A peine eut-il lâché prise que nous vîmes, avec stupéfaction, le fromage remonter la pente. Je dis tout de suite, pour couper la parole aux plaisantins, que le fromage était parfaitement sain. Il s'agissait bel et bien d'une provocation aux lois de la physique traditionnelle; notre camembert avait remonté la pente, sans effort et d'un mouvement uniformément accéléré, exactement comme il l'eût descendue dans un monde normal. A partir de ce moment-là, nous nous attendîmes à tout.
Par bravade, nous mangeâmes une bouchée de ce camembert frondeur et nous décidâmes d'aller à terre en attendant le flot libérateur. Pas plus que moi, le matelot n'avait le goût de pousser l'expérience. En tant qu'artiste professionnel, il peut lui arriver de prendre quelques libertés avec la nature, mais je vous l'ai dit, c'est tout de même un peintre figuratif, d'une école plutôt classique et, visiblement, le séjour prolongé dans cet univers d'avant-garde lui donnait la nausée. Une fois à terre, tout en nous répétant que le bateau ne risquait sûrement rien, nous amarrâmes la drisse de mât en haut du quai dans le cas où la coque, empêchée par on ne sait quoi, aurait eu besoin d'être soulagée à la venue du flot ; puis nous allâmes faire un tour jusqu'à l'extrémité de la digue, sans nous presser, heureux de fouler un sol plat sous des lampadaires correctement érigés à 90°. Successivement, le phare, le clocher, un vélo et deux verres à pied nous rassurèrent sur le respect des disciplines ancestrales et le banal aplomb des choses d'ici-bas. Il nous restait, quand même, une petite appréhension quand nous revînmes au quai ; mais le bateau flottait gentiment sur l'eau déjà blêmie par l'aurore, une eau bienfaisante qui ramenait irrésistiblement l'autorité légitime de l'horizontale, avec tous ses corollaires bien connus. Nous larguâmes la drisse en nous disant, une fois de plus, que le bateau, comme prévu, n'avait rien risqué, puis nous descendîmes à bord pour y dormir enfin dans l'ordre et la paix retrouvés. Cette histoire, entre autres leçons, vient à l'appui des vieux marins qui affirment qu'un bateau est construit et aménagé pour être sur l'eau. Revenons à notre cape.
— Oui, disait Collot en faisant le toboggan sur son coffre, et rappelez-vous le capitaine Voss : dans un typhon, sur un sibeurrrde, il a fait le tour complet, quille en l'air, et redressé de l'autre bord. Ça nous laisse de la marge. »
Rôle de plaisance, Gallimard, Paris, 1957
Les illustrations sont d’André Collot, parues dans Les cahiers du yachting de février 1954
http://www.voilesetvoiliers.com/portraits/jacques-perret-navigateur-dissident/