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Raisons de famille

Les éditions Via Romana viennent de rééditer les Raisons de famille.

Du tac au tac

Parution début avril 2014 du deuxième tome des chroniques parues dans Aspects de la France (1953-1959)

Les actes du colloque fait à la Sorbonne

Sommaire

  • DOSSIER CRITIQUE

Jacques Perret, Le Caporal épinglé, Bande à part et Histoires sous le vent, avec un inédit

Études réunies par Marc Dambre

Marc Dambre : Un conteur qui devrait compter

Daniel-Henri Pageaux : Jacques Perret entre grands espaces et vieille France

Alain Dugrand : Jacques Perret, franc-tireur : du Caporal épinglé aux Biffins de Gonesse

Paul Renard : Éloge de l'amitié. Le Caporal épinglé : Jacques Perret et Jean Renoir

Julien Bzowski : Continuité historique et communauté politique dans Le Caporal épinglé, Bande à part et autres fictions

Pierre Vilar : Perret prend la mouche

Catherine Douzou : Histoires sous le vent et autres nouvelles : le paradoxe de Perret nouvelliste « bavard »

Alain Schaffner : La chronique selon Jacques Perret

François-Jean Authier :Coq-à-l'âne et saute-mouton : Perret auto(bio)graphe ou les divagations de l'écriture de soi

Jacques Perret : La mort de mon grand frère. 1916

Les matelots de Montparnasse (extrait)

François-Jean Authier et Marc Dambre : Bibliographie et filmographie

  • ROMANS 20-50

Azucena Macho Vargas : Topographie de l'espace privé dans l'œuvre d'Emmanuel Bove

Marie Hartmann : Zazie dans le métro : impertinences et désenchantements

  • ROMANS CONTEMPORAINS

Jean-Michel Wittmann : Michel Houellebecq : entre individualisme postmoderne et décadence fin de siècle

 

http://www.septentrion.com/fr/livre/?GCOI=27574100394190

Commémoration du 11 novembre (Le 25 septembre 1916, Louis Perret meurt sur le front de la Somme à Bouchavesnes)

« Nous trouvâmes enfin les tombes. Prévenus qu'un dernier bombardement les avait un peu dérangées, nous éprouvâmes tout de même un certain malaise à les voir bouleversées. Les croix avaient bien été remplacées, endommagées de nouveau et replantées dans l'ordre, mais les tumulus restaient indistincts, probablement confondus et peut-être en profondeur. Mais aux premiers coups de fourche des os couleur de rouille furent mis à jour et les exhumateurs, constatant bientôt le désordre des squelettes, invitèrent doucement mon père àreconnaître là-dedans ce qui appartenait à son fils. « D'après la denture, disaient-ils, ou la taille des os longs. » Il hocha la tête, me consulta du regard, et répondit aimablement quelque chose comme : « Faites pour le mieux », car il était non seulement la pudeur, mais l'obligeance même. Les fossoyeurs firent trois lots dans lesquels vraisemblablement les trois camarades avaient donné chacun leur part. Les débris furent placés dans le fond de trois sacs dûment étiquetés, tandis que mon père, d'un signe de croix, remettait à Dieu le soin d'arranger tout cela, si besoin était, le jour venant. Le petit cortège regagna la camionnette qui nous attendait sur la route.

Les ombres s'allongeaient dans l'éclaircie crépusculaire. Marchaient en avant, la fourche en main, nos porteurs de sacs, et la famille suivait. Nous avions l'air de voleurs de pommes de terre.

Ayant donc échangé quelques os avec ses camarades de fortune, le corps de Louis, Antoine, Marie, Joseph Perret repose depuis lors au cimetière de Bouchavesnes qui recouvre un versant de colline. La nation en effet n'a pas lésiné sur le choix du terrain pour l'illustration du sacrifice dans l'ordre et la discipline. Même en formation serrée de bataillons et compagnies le rassemblement des morts exige, à nombre égal, trois fois plus de place que celui des vivants. L'effectif n'est ici en effet qu'à peine d'une division, soit 5 à 6 % du total des tués dans les grandes batailles de Picardie ; je laisse de côté la terrible et indéchiffrable comptabilité d'un monumental ossuaire. Dans le cimetière proprement dit et sur toute son étendue les hommes sont au garde-à-vous en positioncouchée, un pas de distance deux pas d'intervalle et la tête au ras d'une croix blanche. A remarquer que la croix, la croix latine, en tant qu'image de la mort, est le seul emblème officiellement adopté par la République pour les cimetières militaires quelle que soit la confession du défunt, mis à part les musulmans. Le panorama évoque une idée d'horticulture rationnelle, une plantation sévèrement taillée dans l'intention de mettre en valeur une variété de crucifères dans son terrain d'élection. Aventuré dans ce jardin le vif éprouvera bientôt l'ordinaire impression d'égarement qui est celle de l'éphémère aux abords de l'éternité. Elle s'aggrave ici d'une monotonie rigoureuse, égalitaire, indifférenciée, probablement en respect d'un jugement qui ne serait pas tout à fait ce que fut le nôtre. Mais une fois le regard accommodé au vertige vous en connaîtrez la douceur ou l'effroi. »

 

Raisons de famille, Gallimard, Paris, 1976

 

 

Enfantillages (2011)

 

 

La presse en parle...

 

L'auteur de « Bande à part » évoque le temps béni où l'on n'avait pas encore l'âge de raison dans des nouvelles ciselées.

Si les nouvelles rassemblées dans Enfantillages ne sont pas inédites et proviennent de divers recueils, on ne boudera pas son plaisir en se replongeant dans cette langue classique et croquante que l'on a envie de lire à voix haute pour mieux en savourer la musicalité. Jacques Perret se souvient de son enfance et en invente d'autres qui ne perdent jamais de vue « un état de grâce infantile » auquel il avoue être resté fidèle.

Sous le « garnement de 1913 » perçait déjà l'esprit frondeur et fleur-de-lysé du séditieux qui entrera dans la Résistance en obéissant à l'honneur et ses réflexes. Qu'il s'agisse d'histoires nées de l'imagination des grandes personnes, d'hommages à la poésie de la lampe Pigeon ou au vélo, d'une évocation du cartable ou d'une composition de calcul qui bascule dans la féerie, le style de Perret est toujours enchanteur.

Anarchiste en culottes courtes Notre préférence ici va aux aventures du galopin Émile Cuisset, manière d'anarchiste en culottes courtes troublant le voisinage et la messe dominicale à coups de lance-pierres et de ruban pétardier. Avec l'aide d'un oncle aventureux, il va sauver sa famille d'un pique-nique tournant à la joyeuse catastrophe. Drôle et émouvant, Enfantillages séduira tous ceux qui ont gardé leur âme d'enfant.

Christian AUTHIER, Le Figaro Littéraire du 26 février 2009

 


 

GLOIRE, d'abord, au Dilettante Avec une chaleureuse méticulosité, il nous restitue Jacques Perret Morceau par morceau Façon puzzle, comme aurait dit Michel Audiard Un jour l'oeil pétillant, un autre la moustache conquérante Un autre encore, le chapeau de broussard ou le brûle-gueule du matelot Quand ce n'est pas l'auteur tout entier en son jeune âge En culottes courtes, bottines et, déjà, costume marin. Hier, L'Aventure en bretellesFrançois, Alfred, Gustave et les autres, ou encore Mutinerie à bord. Aujourd'hui, Enfantillages. On ne s'en lasse pas

Précisons tout de suite qu'il ne s'agit pas d'une oeuvre inédite, encore moins d'un fond de tiroir Les six textes composant ce volume, on les a déjà lus, dans La Bête MahousseLe MachinObjets perdus et Tirelires. Mais sans doute les avait-on peu ou prou oubliés (sans compter que les jeunes générations ignorent jusqu'à l'existence du Caporal épinglé et qu'il n'est que temps de le leur faire découvrir)

Le rapprochement de ces longs fragments est donc judicieux. Ils donnent à voir et, mieux encore, à vivre l'enfance de l'auteur et ses enchantements. Autant d'instantanés malicieux et attendris. Lire Perret, c'est toujours pénétrer dans un univers suranné. II n'en reste rien, pas pierre sur pierre. Le progrès est passé par là. On en garde pourtant une incurable nostalgie.

C'est la France provinciale — celle de l'Ain, en l'occurrence — avec « les longs hivers d'une mesnie recluse contre la brise et claquemurée contre les rapineurs» et la messe dominicale qu'il serait criminel de venir troubler Même un jour de piquenique familial perturbé par la foudre et un sanglier ravageur.

C'est une ode à la bicyclette, celle-ci moins décevante que l'automobile, délaissée puis reprise, analysée dans ses moindres détails à la lumière de Platon qui « nous la dépeint dans le Protagoras comme une dyade indéfinie à pignon fixe ». On voit par là que Perret ne se dérobe jamais devant les références les plus irréfutables.

S'il évoque avec nostalgie son cartable, c'est moins par vénération de l'institution scolaire (« Depuis l'âge tendre, je n'ai cessé de combattre énergiquement le caractère sacré de l'instruction obligatoire ») que par « l'exquise veulerie du souvenir » Tôt rebelle, imperméable au conformisme, comme il le fut sa vie durant. On s'en doutait un peu.

Laissons au lecteur le soin de découvrir la singulière composition de calcul de Fernand Ballavoine et les mésaventures d'une tirelire-grenouille II en sortira émerveillé, pour peu qu'il soit sensible à l'humour et à la poésie A cette manière de tendresse désinvolte qui fait tout le sel et l'originalité de Jacques Perret.

P.-L. Moudenc, Rivarol n° 2892 du 13 février 2009

 


 

Si vous ne croyez pas à cette vieille blague du «roman de l’avenir», consolez-vous en lisant un écrivain dont les livres, difficilement repérables en librairie, ont la saveur d’un vieux cognac. Il s’agit, vous l’avez deviné, de Jacques Perret. Même s’il séduisit Godard (qui lui vola un titre, Bande à part) et Renoir (qui adapta son Caporal épinglé), il n’a qu’un petit cercle d’amateurs éclairés.

 

Le Dilettante a réédité plusieurs de ses œuvres, dont Mutinerie à bord, préfacé par Erik Orsenna, et vient de reprendre Enfantillages, des nouvelles qui ont un goût exquis de mélisse et de rhubarbe. Il suffit d’en lire quatre ou cinq lignes pour constater que, on se tue à le répéter, la littérature tourne le dos au monde pour mieux le feinter : «Les noms des quatre-vingt-trois départements français n’ont jamais chanté à mes oreilles comme le vivant poème de l’amour patriotique, j’en trouve la déclamation froide, monotone et scolaire quand elle n’est pas tristement associée à l’atmosphère trouble des scrutins.» Si Edouard Balladur avait lu ces Enfantillages, il aurait pu réduire à néant les arguments des opposants à son projet de réforme territoriale, à condition de défendre ces «pays», comme celui dont Alain Borer a fait l’éloge dans le Libération du 8 mars. Le Bas-Lochois, un coin de France que je connais bien, conserve des noms de village ou de lieux qui sont déjà tout un poème : Chaumussay, Preuilly, la Claise, La Courette.

 

La charge de Perret contre les noms de département, il faut l’avouer, n’était pas seulement littéraire. L’homme n’aimait pas la République, tout en ayant choisi de risquer sa vie pour elle, au maquis. Moins chanceux que Ramon Fernandez, qui a eu pour refaire parler de lui un fils académicien et un petit-fils directeur du Trésor, Perret attend encore un biographe.

Faute de mieux, son petit-fils, Louis Perret, lui consacre un livre, publié à compte d’auteur, Portrait d’un homme libre. C’est surtout une longue chronologie qui suit un parcours à première vue déroutant. Comment peut-on passer de l’Action française à la Résistance, célébrer l’Abbé de Nantes, prendre le parti de l’OAS, sans se renier jamais ? Pour le savoir, achetez l’ouvrage de Louis Perret. On le trouve en dépôt à la librairie Le Dilettante, 19 rue Racine, 75006 Paris. Téléphone : 01 43 37 98 98.

 

• Raphaël Sorin • Blog de Libération, 9 mars 2009

 

 

Gravure sur bois de J. Perret
Le vilain temps
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