Un peu plus sur Enfantillages

Le château des Eclaz vers 1900. (c) Collection Dumoulin - Ce château se trouve dans la commune de Cheignieu-la-Balme dans l'Ain.

La nouvelle Enfantillages est parue en mai 1951 dans La Revue de Parissous le titre La chambre du bourreau.  Elle donne quelques éléments biographiques sur Jacques Perret.

"Nous allions visiter un grand-oncle et une grande tante du côté de mon père, retirés dans une vénérable maison rustique, manoir si l'on veut, et qu'on appelait dans le pays le château des Eclaz..."

L'oncle Jean, est le frère du grand-père de Jacques Perret, Alfred Perret. Général à la retraite il était directeur du service de l'intendance du 14e corps d'armée.

Mais cette nouvelle est surtout intéressante car elle nous apprend dans quel secteur de l'Ain Jacques Perret faisait "bande à part". En effet, dans son roman sur ses activités de résistant, Jacques Perret ne mentionne pas les vrais lieux dans lesquels sont groupe opérait. On l'apprend par la nouvelle Enfantillages : "...le hasard seul m'a conduit à faire le zouave à travers le Valromey ou sur les pentes du Colombier. Nous avons même un peu tiraillé du côté de Virieu-le-Grand..." C'est en effet, un peu plus précis que Saint Phouace-le-Sec, Saint Ploucq, La Roche-Misouille, etc. qui n'existent pas !

Les premiers textes

Avant de paraître dans dans des recueils chez Gallimard et Julliard, certaines des nouvelles sont parues dans des journaux ou revues mensuelles. Le texte original diffère légèrement parfois du texte de l'édition définitive.

  • Viva Gonzales !, dans le journal Je suis partout, 1er mai 1938 (reprise dans Histoires sous le vent)

 

  • Un lit de mort pour le général, dans le journal Je suis partout, 31 mai 1940 et 7 juin 1940 (Cette nouvelle deviendra Un général qui passe dans Histoires sous le vent)

 

  • Le cheval de grâce, "Œuvres libres" n° 5 (octobre), Fayard, Paris, 1946 (reprise dansHistoires sous le vent)

 

  • Les objets perdus, France Illustration-Littéraire et théâtrale, n° 9, 1947 (reprise dansObjets perdus)

 

  • A la fortune des girouettes, La revue de Paris, novembre 1947 (reprise dans Objets perdus)

 

  •  L'oiseau rare, paru en cinq fois dans Paroles françaises, entre le 12/09/47 et le 10/10/47

 

  • Arrangement pour le théorbe, La revue de Paris, avril 1948 (reprise dans Objets perdus)

 

  • La composition de calcul, La revue de Paris, janvier 1949 (reprise dans Objets perdus)

 

  • Jean sans terre, "Oeuvres libres" n °36 (mai), Fayard, Paris, 1949 (reprise dans Objets perdus)

 

  • Les insulaires, "Oeuvres libres" n° 46 (mars), Fayard, Paris, 1950 (reprise dans La bête Mahousse)

 

  • Un homme perdu, "Les amis de l'originale", éditions Robert Cayla, Paris, 1950 (reprise dans La bête Mahousse)

 

  • Trafic de chevaux, Mercure de France, décembre 1950 (reprise dans La bête Mahousse)

 

  • La chambre du bourreau, La Revue de Paris, mai 1950 (reprise sous le titre Enfantillagesdans La bête Mahousse)

 

  • La bête Mahousse, "Oeuvres libres" n° 59 (avril), Fayard, Paris, 1951 (reprise dans La bête Mahousse)

 

  • Notes sur le vélo, La revue de Paris, mai 1952 (reprise sous le titre Le vélo dans Le machin)

 

  • Enquête sur le machin, La Revue de Paris, novembre 1952 (reprise sous le titre Le machin dans Le machin)

 

  • La belle virée de Michucaco, "Œuvres libres" n° 100 (septembre), Fayard, Paris, 1954 (reprise sous le titre La virée dans Le machin)

 

  • Le pique-nique, La revue de Paris, décembre 1954 (reprise dans Le machin)

 

  • Rapport sur le paquet de gris, Aspects de la France, Paris, 1964 (reprise dans Tirelires)

 

 "On peut dire avec certitude que Jacques Perret est l'un des deux ou trois meilleurs écrivains de sa génération, en tout cas le plus attachant par son ton d'heureuse liberté, par sa poétique aisance. La valeur littéraire de sa langue, la qualité si fine de son humour, son don de conteur assez habile pour nous faire accepter ses fantaisies donnent à ses récits la marque d'un art très personnel. Le caporal épingléLe vent dans les voilesLes objets perdus nous changent de ces ennuyeux romans où les idéologies et les abstractions se dissimulent mal sous une affabulation assez pauvre. Jacques Perret est un maître dans un domaine qui est essentiellement un domaine français, celui de la nouvelle. On le verra dans Les Insulaires."

Introduction des Insulaires dans "Les oeuvres libres", n°46, mars 1950

May the epidemon squinch the hoorknion !

Quelques nouvelles ont été traduites en anglais et en allemand.

 

Argosy, juillet 1955

Mahoussian Beast (La bête Mahousse)

Traduction par D.H.R. Brearley)

 

Argosy, septembre 1959

Nymph Overboard (Une belle figure qui s’en va)

Traduction par D.H.R. Brearley

 

French Short Stories (vol. 2), Penguin Books, London, 1972

Traffic in horses (Traffic de chevaux)

Traduction par David Constantine 

 

The French-American Review, Volume IV, N° 2, 1980

The Islanders (Les insulaires)

Traduction par Frank Jones

 

Hörspielbuch 1959, Europäische Verlagsanstalt

Die Rechenaufgabe (La composition de calcul)

Adaptation radio avec Jean Forest

Traduction de Walter Andreas Schwarz

 

Hörspielbuch 1960, Europäische Verlagsanstalt

Das Violocell (Le violoncelle)

Adaptation radio avec Jean Forest

Traduction de Walter Andreas Schwarz

 

Ich habe die Ehre, S. Fischer Verlag GmbH., Frankfurt, 1965

Das Messer (Le couteau)

Adaptation par Maria Frey du Couteau (Le couteau est une adaptation de la nouvelle Objets perdus)

 

 

Voici un passage des Insulaires traduit en américain. Les héros de la nouvelle, la famille Palladion, parlent le palladoque.

 

Monsieur Palladion was forcing cheerfulness yet not plying the fork with his usual joy; the sight of the deserting mice was worrying him. As he meditated schemes for confounding the foe, Antoine, at the foot of the table, waxed rhetorical :

“Suppose,” he said to Augusta, “suppose the hoorknion…”

“Yes,” replied Augusta, “suppose the hoorknion…”

“You, over there!” interrupted the father angrily, “what’s this I hear? A neologism? Without consulting me?”

“It’s in the experimental phase,” replied Antoine.

“Then that’s all right.”

The father took in a nice forkful of leftover, followed by a thickly gravied hunk of bread, and repeated : “Hoorknion… hoorknion…” But in his full mouth the word lost flavour ; he was trying too hard.

“May the epidemon squinch the hoorknion !” Antoine suggested.

“Hmm, yes, in a selected context, certainly. But your vocable needs a catapult to be effective. On the first hearing, the suffix is too indulgent: it leaves too wide a margin of guilelessness. I’d like to see it made a little more pejorative, my friends. We might try some official-sounding terminations: hoorknious, hoorknifical…”

“That’s the way to kill a living language!” protested Antoine, whose mind was not as systematic as his father’s.

“…or, further,” the Grand Fladdahume continued, “we could consider the Palladian series: hoorknioof, hoorknymph, knork, knubb…”

Experiments were ardently undertaken: a process leading to confused exchanges, noisy and apparently demented, but actually under the subtle control of family semantics, impelled by the exquisite merriment that characterized the clan’s esoteric manifestations.

 

M. Palladion s’efforçait à la bonne humeur, mais son coup de fourchette n’avait pas l’aisance habituelle et la vision des souris déserteuses le préoccupait beaucoup. Il tirait des plans pour confondre l’ennemi quand, au bout de la table, Antoine enfla la voix :

« Suppose, disait-il à Augusta, suppose que le hourgnon…

— Oui, répondit Augusta, supposons que le hourgnon…

— Hé, là-bas ! fit le père d’un ton irrité, qu’entends-je ? Un néologisme ? Sans m’avoir consulté ?

— Il est seulement à l’essai, dit Antoine.

— Ah, bon ! »

Le père s’envoya une jolie fourchetée de miroton suivie d’un morceau de pain largement saucé et répéta : « hourgnon… hourgnon… ». Evidemment, dans sa bouche pleine, le mot s’affadissait avec un rien de parti pris.

« Que l’épidiantre onchoye le hourgnon ! proposa Antoine.

Ah ! naturellement, avec un contexte choisi, bien sûr ! Mais s’il faut catapulter ton vocable pour qu’il porte !... A première audition, ton suffixe est trop indulgent. Il laisse une marge de candeur excessive. Il faudrait me péjorer un peu ça, mes amis, soit en essayant quelques terminaisons officielles : hourgneux, hourgnard…

C’est comme ça qu’on tue une langue vivante ! s’écria Antoine qui reprochait à son père l’esprit de système.

…soit encore, continuait le grand fladaheû, que nous tapions dans la série palladienne : hourgnouf… hourgnymphe, gnoque, gnubbe… »

On procéda aux essais avec fougue. Cela donna lieu à des échanges confus, bruyants et d’apparence démentielle, où cheminait en réalité le subtil processus de la sémantique familiale, avec la poussée d’allégresse exquise habituelle aux manifestations ésotériques du clan.

Gravure sur bois de J. Perret
Le vilain temps
Actes du colloque de 2005 à la Sorbonne
Accédez au site sur votre smartphone
Version imprimable | Plan du site
© Ayants-droit de Jacques Perret