10.01.2024
Louis
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L’hebdomadaire Arts poursuit une enquête sur les jeunes. C’est une enquête consciencieuse et intelligente, mais je trouve qu’on devrait d’abord leur fiche la paix, aux jeunes. C’est corrompre la jeunesse que lui inculquer des préoccupations d’adultes. Notre siècle a pris de la jeunesse une sollicitude alarmante. Il a promu à son intention le mot « jeune » au rang de substantif à majuscule ; il lui a fabriqué des ministères spéciaux, il a même confié des portefeuilles très sérieux à des galopins qui, entre parenthèses, se sont révélés plus dénués d’imagination et plus rabougris dans la doctrine que nos augustes vieillards.

Il y a un engouement, un mythe, une extrapolation snobée, une démagogie, une technique enfin de la jeunesse. On l’a tirée des limbes heureuses pour l’engager dans la congrégation sociale ; le déterminisme historique lui a ouvert pompeusement ses portes. Des prophètes bénis ou cornus lui ont révélé plus ou moins confusément ses aspirations souveraines, ses droits incohérents, ses missions imprescriptibles. La République de Jouvence a découvert que l’avenir appartenait aux jeunes et que ce truisme méconnu aurait des conséquences immédiates et nécessaires. Désormais les jeunes gens formeraient dans l’État, non plus une pépinière hasardeuse au caprice des pères et à la grâce de Dieu, mais une classe organisée, choyée, dûment assurée, attributaire, alignée en solde et loisirs, conditionnée à l’œil socio-électronique.

Le pré-salaire qui sera consenti aux étudiants pour les soulager d’une condition médiévale, et mieux les coincer dans le piège à matricule, sera étendu aux lycéens pubères, en attendant que soient légalement définie la profession de jeune, et promulguée la loi sur la retraite des jeunes, proportionnelle à partir du bachot.

Les niais s’extasient devant la belle gravité de l’étudiant soucieux du lendemain, conscient de son rôle et gouverné par un idéal de sécurité cosmique. Ce jeune homme est un infirme ; on lui a coupé les jarrets. L’enquête en question nous montre des garçons de dix-huit ans fort inquiets de savoir comment ils vont loger leur petite famille et quel salaire y suffira, compte tenu des avantages sociaux. Voilà une jeunesse de tout repos ; la République apparemment n’a rien à craindre de ce côté-là. Les grèves d’étudiants ont elles-mêmes un petit côté rassurant ; elles témoignent d’un sens social orthodoxe et vigilant. Si leur monôme est un peu turbulent, ce n’est pas qu’ils pincent le derrière des filles, puisqu’ils sont tous fiancés, mariés, sinon pères de famille ; ce n’est pas non plus, à moins qu’il s’agisse de jeunes arriérés, pour insulter la Chambre des Couards qui laisse invengée la mémoire du capitaine Moureau. Non, c’est pour attirer l’attention des pouvoirs publics sur l’insuffisance des locaux scolaires ou le taux de remboursement des lunettes.

Aux jeunes candidats à l’École des Mousses, on avait demandé pour quelles raisons ils avaient choisi cette voie. Il s’est trouvé une demi-douzaine de gamins pour répondre à cause de la retraite. Soyons beaux joueurs et saluons ici une des plus belles conquêtes du progrès social.

Tout cela, bien entendu, est éphémère. Si la cité socialiste n’est pas engloutie par le cours sacré de l’Histoire, elle sera la proie d’un bel incendie dû à l’imprudence d’un fumeur ou à un court-circuit entre la nature et la doctrine. Mais la malveillance n’est pas exclue. En ce cas, l’incendiaire sera peut-être un vieillard extra-lucide ; on se plaît davantage à imaginer une bande de copains, providentielle survivance des jeunesses mérovingiennes boutant le feu au grand fichier matriculaire, simple histoire de rigoler.

 A quoi rêvent les jeunes gens, Aspects de la France, 22 mars 1957, n°445A retrouver dans Du tac au tac, Editions Via Romana

30.05.2023
Louis
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La fête des fous se célébrait jadis, une fois l'an, aux alentours de la Saint-Étienne. On promenait le pape des fous sur un âne à travers les rues parmi toutes sortes de parodies, les hiérarchies étaient sens dessus dessous, on se payait la belle récréation de mettre le monde à l'envers, c'était une bonne détente et salutaire pour tout le monde. Les pisse-froid mis à part, nul ne s'indignait de voir le plus réputé des ivrognes, le plus moqué des clochards ou le plus farfelu des truands présider la fête, revêtu des ornements du pouvoir et des insignes sacrés. Ainsi, le comité des fêtes de Paris vient-il d'ouvrir la grande saison par la remise de la croix de guerre à M. Maurice Thorez. L'idée était bonne mais, décidément la République ne sait pas rire comme nos aïeux, ses fêtes sont minables, ses liesses gourmées, tout ce qu'elle entreprend dans ce genre reste mesquin, froid et miteux. Elle lésine et gâche ainsi ses meilleures trouvailles. Cette ingénieuse remise de décoration a fait long feu. Seul un petit nombre de privilégiés a pu se taper sur les cuisses entre deux portes alors que, bien montée, la cérémonie devait offrir au bon peuple assez de pintes de bon sang pour renouveler de bon cœur le mandat des joyeux mirliflores de la IVe Cascadeuse.

Il fallait faire une prise d'armes, précédée d'une revue à Longchamp et suivie d'un cortège où le Prince des Fantassins, le Patron des Biffins du Premier Jour, revêtu de son harnais et fraîchement croisé de vert et rouge, eût caracolé par toute la ville sur un âne, un dromadaire, un zèbre, un dahu ou tout autre animal propre à exciter l'enthousiasme du peuple. On aurait vu dans l'escorte MM. Kriegel et Mornet, par exemple, vêtus d'hermine et rendant la justice sur un char de velours blanc traîné par les ribaudes. Et, naturellement, fontaines de vin, violons, arcs de triomphe, pétards, bals publics et carrousel en place de grève des généraux de la promotion Peyré. Au Vel' d'Hiv' M. Bouglione eût présenté le gala télévisé des anciens présidents du Conseil au cours duquel M. Vincent Auriol eût prononcé une allocution radiodiffusée pour affirmer une fois encore que la République est et restera fondée sur la vertu, tandis qu'à ces mots un feu d'artifice monstre eût éclaté sur la ville pour marquer le point culminant de la fête. Voilà ce qu'il fallait faire. Mais la République n'a pas le sens des gaietés vraiment populaires ; elle trahit encore l'héritage des sinistres austérités jacobines, elle va même parfois jusqu'à donner l'impression de se prendre au sérieux. Bien sûr, on aimerait croire qu'elle n'est, au fond, qu'une pince-sans-rire impayable qui se pince sans rire depuis un siècle et demi et qui prolonge sans sourciller la Fête des Fous dont seuls s'esclaffent à la cantonade quelques initiés bénéficiaires. Les Français ont omis de renvoyer à la cour des miracles les fous qu'ils avaient couronnés un jour, histoire de rire, et les fous se sont mis à croire tout bonnement à leur sceptre, à leur pourpre, à leur hermine, à leurs crises de conscience, à leurs sceaux, à leur légende et à leurs vents. Ou à faire semblant. Mais le règne des fous qui traîne en longueur n'est plus une rigolade, les bonnes gens pressés par leurs affaires s'installent paresseusement dans le carnaval et s'habituent à prendre les vessies pour lanternes, les lanternes pour soleil, les ânes pour palefrois, les galimatias pour vérités éternelles, les traîtres pour héros, les héros pour traîtres, les magistrats pour juges, les Schrameck pour Durand, les scrutins pour grand'messe, la lie de piquette pour chambertin, le socialisme pour fraternité, un mirliton pour un homme, un ramassis pour un parlement, la sécurité sociale pour une libération et la démocratie pour un ordre naturel. La fausse monnaie, c'est amusant un jour ou deux ; elle est même indispensable au bon équilibre des peuples et à l'hygiène de la civilisation, elle donne aussi à réfléchir à la bonne monnaie qui aurait tendance à s'infatuer. Mais quand il n'est plus battu d'autre monnaie que fausse, on ne sait plus reconnaître la bonne et nous voilà rendu à cette confusion générale et invétérée dont Clément d'Alexandrie a dit qu'elle sentirait le soufre à plein nez."La fête des fous", Aspects de la France, 18 mai 1950, n°92
11.03.2023
Louis
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La France n’est peut-être plus une grande nation, mais il y a toujours chez les Français de quoi faire le plus grand peuple. C’est une vérité à laquelle je tiens beaucoup, même si les preuves se font rares ou discrètes. Je pourrais, cette semaine, affermir ma foi sur une preuve d’ordre politique en célébrant la réélection de M. Albert Sarraut, vieux marabout du tripot parlementaire, et lanterne des sublimes secrets, mais la gloire de M. Sarraut appartient à la Troisième, et l’odeur de ses vertus n’est plus qu’un relent. Plus volontiers je chanterais nos victoires techniques, le nouveau pétrolier de 33 000 tonnes, le stator géant de 170 tonnes, et la locomotive BB 9004, qui s’apprête à pulvériser le record du monde, mais si j’ai beaucoup de respect pour ces machines, je ne les considère pas moins comme des accessoires.

En revanche, il m’apparaît que le rugby français nous permet aujourd’hui d’envisager l’avenir avec beaucoup de confiance. Quand une équipe nationale de rugby arrive à cette qualité, c’est un signe, et je n’en dirais pas autant du golf ou même du bridge. Ce n’est pas souvent que je parle ici de sport, et pourtant je lui dois des moments exquis. Vous savez que samedi dernier nous avons battu l’Écosse. Sauf le respect que je dois au souvenir des Stuarts bien-aimés, je dirais même que nous avons battu les Écossais à plate couture.

Deux fois par an, dans la période où se déroule le tournoi des Cinq Nations, je vais à Colombes voir gagner la France et m’en égosiller de joie. Et si elle ne gagne pas, elle a montré assez de vertu pour contenter notre orgueil et gonfler notre espoir. Ajoutez à cela l’émotion d’une foule en même temps accordée par la connaissance du jeu et l’honneur du clan français. L’enthousiasme collectif est un phénomène hasardeux qui fait aussi bien la ruine ou le bonheur de sociétés, mais il est sot de le mépriser quand il se manifeste à propos d’un débat aussi hautement civilisé, aussi probant, qu’une partie de rugby. Ce n’est pas parce que nous avons acquis en cette matière une valeur incontestable que je vante les vertus de cette épreuve. Même aux temps de nos revers, j’ai toujours tenu le rugby pour le plus beau des jeux. Et si les États devaient régler leurs querelles sur le pré sportif, c’est encore par le rugby que s’exprimerait le mieux les différentes valeurs des nations.

Si notre quinze tricolore fait aujourd’hui un des purs chefs-d’œuvre de la qualité française, le mérite en revient tout de même quelque peu aux sélectionneurs. Certes, la sélection ne se fait pas toujours dans une sérénité olympienne on la soupçonne embarrassée d’intrigues, de coterie et de querelles de prestige, mais ces faiblesses ne font jamais que préférer un indiscutable champion à un autre indiscutable champion. La raison du rugby n’est jamais perdue. Il faut dire que pour constituer une équipe de rugby et une équipe ministérielle, on ne s’y prend pas de la même façon.

 L’espoir en ballon,  Aspects de la France, 14 janvier 1955, n°331
07.01.2023
Louis
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 Tirer la fève. On dit que la coutume nous vient des satur­nales, mais on dit beaucoup de choses, que le christianisme est légataire universel de tous les rites et mythologies en per­pétuel aggiornamento et qu’en fin de compte le chrétien n’est qu’un païen recyclé. Ce n’est peut-être pas le moment d’encou­rager les visions de ce genre si le diable s’en occupe. Nous savons bien que la révélation a pris en charge un héritage qui fut trié avec soin, nettoyé, converti. Que la galette ait eu affaire avec Saturne, ce n’est pas bien grave, nous l’avons bap­tisée tout de suite, ses parrains les rois mages n’ont pas tou­jours été catholiques non plus. 

Sans avoir inventé la galette nous l’avons élevée à la dignité royale et adoptée pour dessert épiphane en lui gardant sa fève, nourriture des pauvres et symbole de fécondité. Les boulangers aidant, la coutume s’est maintenue jusqu’à nous sauf que la fève a dû se retirer du jeu en cessant d’être cultivée. Mettons que le haricot sec ait eu quelques droits à lui succéder, mais le fayot de terre cuite, simulacre stérile, allait donner carrière à toutes les fantaisies de la céramique et précipiter la pagaille des signes. L’avènement et la vogue d’un petit nourrisson em­mailloté fit croire un instant au pieux complot qui ramènerait l’enfant Jésus au souvenir des convives, mais le bébé fut tout de suite et bizarrement appelé baigneur. Sous ce nom il n’avait plus grand espoir d’entrer au service de la tradition. On eut beau faire ici et là quelques efforts pour le sortir de sa condi­tion profane, le baigneur l’emporta. Mieux encore, on nous persuade aujourd’hui que n’importe quoi fait fève. Relâche, facilité, laxisme, erreur, il n’y a pas de n’importe quoi. Dans la dernière fournée ils ont trouvé moyen de glisser dans nos galettes un petit bouddha, ce n’est pas n’importe quoi, même pas n’importe quel bouddha. Il est gras et ventru, accroupi dans une posture inhabituelle, son nombril est situé à l’intersection des bissectrices d’un triangle aigu où il s’abrite comme sous une chape. Un expert pourrait nous dire à quelle secte bouddhiste nous devons ce gadget de solidarité spirituelle au bénéfice d’une épiphanie de synthèse, adulte et mondiale. Les inquiets se sont interrogés sur la mission de ces micro-bouddhas introduits subrepticement dans le sein feuilleté de l’Occident ; ils y soupçonnent la main de Mao, le petit véhicule mystique aux gages de la révolution, la pilule de nirvana pour l’abrutis­sement des derniers factionnaires de la chrétienté. Les concilia­teurs ont tout simplement fêté la surprise du quatrième roi mage, on n’attendait plus que lui pour découper la galette suprême au symposium des prophètes mélangés. Quoi qu’il en soit je me demande pourquoi la présence d’une figurine orien­tale humblement nichée dans la plus populaire de nos pâtisse­ries familiales pourrait nous surprendre ou nous alarmer quand le Saint-Père nous rapporte encore un bouddha dans ses ba­gages et qu’au Vatican, paraît-il, on ne sait plus où les mettre.

Itinéraires, Le cours des choses, 1972

09.12.2022
Louis
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En effet, le vieillissement accéléré de la population est un problème à la fois économique et sentimental. Il n'y aura de solution que dans une qualité de vie également répartie du premier au troisième âge. Occupons-nous de celui-ci et voyons un peu les expériences en cours.

Pour commencer, il ne sera plus question de vieillesse ni de vieillards ; ce sont là des mots crus dont le réalisme est douloureusement ressenti par les ayant droits. L'autorité du langage administratif et journalistique, magnifié par toutes les voix des mass media, peut déjà se flatter d'avoir popularisé en les ressassant les expressions « troisième âge » et « personnes âgées ». Au demeurant, si la douceur des périphrases est agréable aux chnoques, on ne peut pas dire qu'il s'agisse là d'innovations. Hector en usait couramment à l'égard de Priam et les enfants de Clovis eux-mêmes, chères petites têtes blondes et tout coquins fussent-ils, en comblaient leur vieux père. Mais le débordement des sollicitudes officielles dont les personnes zâgées sont aujourd'hui l'objet a pris l'ampleur d'un engouement et, soit dit sans venin, il peut s'en suivre un petit revenant-bon en période électorale. Le succès du troisième âge dans l'opinion publique est assez prouvé par son budget fabuleux. On va jusqu'à murmurer, dans un sourire attendri, que les personnes zâgées qu'on voyait naguère se traîner à la queue des soupes populaires, sont aujourd'hui nourries à domicile du sang des travailleurs. On sait que la pullulation démographique traversée par la philanthropie galopante pose des problèmes. Or, comme il a coutume de le faire en réponse aux questions brutales des voltigeurs de l'interviou, Giscard a dit : « Pas de problèmes ! » C'est pourquoi ceux-ci donneront lieu à création d'un sous-secrétariat du Troisième Age dont l'étude est en cours au comité de l'expansion ministérielle. Ce quarante-troisième portefeuille sera contrôlé lui aussi et au premier chef par la Qualité de Vie, autorité de tutelle par excellence. Toutes nos excellences ont d'ailleurs les yeux fixés sur V.G.E., modèle et étalon de la Q.V.

Si mes observations vous paraissent inconvenantes ou même teintées de mauvaise foi, empressons-nous de les justifier. Remarquons d'abord que tout ce déploiement de zèle et de propagande au bénéfice des grands-pères a précisément lieu dans une société qui nous paraît consentir par ailleurs et paresseusement à la destruction progressive et légale des structures, us et coutumes familiales. On m'excusera si j'ai même entrevu l'hypothèse où ces gâteries ne seraient que l'appât d'un piège à vieillard. Conçus tout exprès pour eux, des parcs d'attractions s'organiseraient ici et là de telle sorte qu'éblouis et tourneboulés par les révélations d'une vie de qualité, les pensionnaires n'en voudraient plus sortir. Il serait alors bien facile, un jeu d'enfant, de procéder à l'extermination du troisième âge, ne serait-elle que morale. On en finirait une bonne fois avec la légende, le respect, la sagesse, le prestige imposteur des personnes zâgées, insolente et parasitaire engeance.

Je n'en parle pas à la légère. Nous avons des commencements de preuves. Nous avons pu voir une émission télé-réclame en faveur d'un centre d'accueil et d'accession à la qualité de vie du troisième âge : sur fond musical pop des grands-pères travaillent au tapis leurs muscles abdominaux, des grands-mères en minijupe s'évertuent à des exercices de flexion extension des bras, de vénérables créatures sont initiées aux libérations du yoga, des couples séculaires aspirant au troisième souffle s'évertuent à danser la bamboula cependant que d'ineffables duègnes s'abandonnent aux derniers raffinements du massage automatique, et que d'antiques ménagères en relaxation sur fauteuil médical, les yeux clos la bouche ouverte, se font tripoter le visage par de joviales esthéticiennes, et tapoter les poches et pinçoter les rides au chant d'une trompette frémissante etcetera. Visions de cauchemar, le casino des zombies, on se refait une beauté, on se met en forme pour le jugement dernier, Edgar Poë extrapolé par Léon Bloy, mise en scène du Grand Guignol.

Un jour les enfants s'étaient concertés discrètement : «  Alors ? On essaye d'envoyer pépé et mémé au gérontorium ? Ils y ont droit.  » Ailleurs on disait le grand dab et la vioque.

Les chnoques aux chiottes ! Ce graffiti au crayon feutre et calligraphié dans la station de métro Mouton-Duvernet sur une affiche représentant un vieux couple hilare se goinfrant d'une friandise philanthropique, c'est la modeste rançon du traitement Q.V. pour personnes zâgées. Chnoque moi-même l'inscription n'était pas de ma main. »

Itinéraires, n° 201, mars 1976, Le cours des choses

11.09.2022
Louis
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 Sans professer, comme le voudrait la République, un fidèle attachement à la couronne d’Angleterre, je prie S.M. la reine Élisabeth de vouloir bien trouver ici l’expression de mon profond respect. Je la prie également de m’excuser si je n’assiste pas au couronnement et de comprendre aussi bien ma décision de ne plus lire les journaux de mon pays tant qu’ils prodigueront leurs soins à l’exaltation d’une cérémonie dont ils devraient rougir. Comment me réjouirais-je de la fête de famille qui se prépare chez les voisins, moi qui suis orphelin dans la maison des assassins de mon père ?Détestable aux siens la République veut plaire aux autres, et si elle a mis en berne pour la mort de Staline elle fera sans doute, de la coronation, une fête chômée. C’est à qui, dans la presse issue, chantera le plus haut les louanges de la continuité monarchique au nom de l’Angleterre, mère des révolutions, douairière des libertés démocratiques. Admiration éberluée, stupides attendrissements, découverte incongrue de la grandeur et du merveilleux, tartines d’impudeur, mystifications en double page et duperies en couleurs. Non, je n’admets pas que le régime qui m’a élevé dans l’horreur des superstitions, l’exécration de la fidélité, le dédain de toute majesté, l’aversion des dynasties et le mépris des liens d’amour entre un peuple et son roi, me convie aujourd’hui à célébrer dans la joie la gloire d’un trône étranger pour la seule raison que ce trône est anglais. La Révolution nous vint d’Angleterre et la République reconnaissante, cocue magnifique, proclame son indéfectible admiration de la monarchie étrangère dispensatrice avisée des chienlits démocratiques.Combien m’est doux en revanche le spectacle de nos compétitions municipales, de cette course au fromage sous l’étendard d’une volonté populaire librement épanouie dans la maturité politique, de ce critérium des affamés vers l’idéal nourricier des bons beurres doctrinaires. Nous, au moins, nous avons la tête sur les épaules et les pieds sous la table. Je ne sais si vous l’avez observé comme moi, mais jamais on n’a vu tant de communiqués et photographies célébrant nos élites et nos élus en exercice de collation publicitaire, bectances de propagande et gueuletons républicains. Députés en dégustation et ministres à table. Ce ne sont que taste-vins, poulardes au bleu, brochets truffés et allocutions aux foies gras de la France immortelle. Accompagnés de leurs dames. Nous avons eu, cette semaine, entre autres, les époux Bidault qui n’ont pas hésité à grimper sur la tour Eiffel pour y casser je ne sais quelle croûte mirobolante arrosée des vins les plus diplomatiques ; et aussi M. Marie attablé avec Mme Colette en attendant de boire avec les hôteliers pour l’inauguration des vacances avancées. Pressons pour le deuxième service : M. Auriol, maître d’hôtel, priera les convives de s’essuyer la bouche et d’aller digérer dans quelque sinécure pour céder la place aux invités qui se bousculent dans le couloir. Il faut rendre cette justice à la presse qu’elle nous rend une fidèle image de la IVe Gargottière et de sa clientèle à fourchette. Par ici la bonne soupe. Le pouvoir est éphémère, le temps qu’on y est c’est la double gamelle et on pense à sa sœur. Et les beaux voyages aussi, avec wagon-restaurant et Marseillaise au champagne. Les délices du pouvoir se sont rabougris au niveau de l’assiette. On n’a plus le temps, ni la classe, ni les moyens de se désintéresser des petits profits. Racontez tout ce que vous voudrez sur les charmes du pouvoir, l’odeur qui attire et qui retient est celle du beurre blanc à l’œil. Tout élu porte écu d’argent à trois biftèques de gueules en sautoir, et si j’y ajoute un semis de pommes frites ce n’est pas la sagesse populaire qui me démentira.Au bœuf couronné, Aspects de la France, 30 avril 1953, n°241
30.08.2022
Louis
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Cahier de brouillons   C'est le plus gros des cahiers, le plus sympathique, le plus confidentiel, le plus affectueusement mal tenu. En fin d'année, il prend volontiers des allures de sublime témoin glorieux et perclus des campagnes scolaires. L'ennui est qu'il faut l'acheter neuf et qu'il ne prendra qu'à la longue son caractère brouillon. On admet très bien l'état neuf pour le cahier de textes ou d'histoire et l'élève le plus dissipé, le plus gâcheur, sera tout naturellement gêné par ces feuillets virginaux qu'il abordera d'une plume respectueuse, au moins pendant les deux premières pages. Mais la première page d'un cahier de brouillons, c'est une autre épreuve ; il faut vaincre cette fausse candeur d'un papier blanc qui ne rêve, en réalité, que des pires outrages. Le mieux c'est de l'attaquer d'emblée avec trois pâtés, une douzaine de lignes raturées, une caricature outrancière et un de ces graffiti abstrait où la plume libère toutes les richesses de l'inconscient pendant que le cerveau fonctionne sur les cimes. Malgré cela, vous n'aurez pas encore une vraie page de brouillon, elle trahira le convenu et la supercherie, vous n'aurez fait qu'un faux brouillon comme le peintre fabrique un faux primitif et ce n'est qu'à la fin du trimestre que le cahier commencera de justifier son nom avec ses belles pages échevelées, tantôt fougueuses et tantôt rêveuses, avec les bavures du génie à l'état brut, les ratures primesautières, les taches émouvantes comme d'héroïques ecchymoses, les arabesques hermétiques et ces profils extravagants qui ne peuvent éclore qu'entre deux contre-sens. Je m'étonne que l'Université, où la mode est aux tests, n'ait pas encore institué l'examen psychanalytique des cahiers de brouillon. Protège-cahiers Je les ai toujours tenus en estime jusqu'au jour où un maître fit couvrir nos protège-cahiers avec du papier bleu. Le prestige du protège-cahier en fut ruiné. A cet âge, on a l'imagination rapide et, en un clin d'oeil, j'ai entrevu l'impossibilité humaine de mettre un frein à l'obsession protectrice ; j'ai compris que la protection des cahiers pouvait conduire au vertige de l'infini et que Dieu seul détenait la notion du protège-cahier-en-soi, au fin bout de la série indéfiniment tutélaire des protège-cahiers à la puissance n. Plumiers Cette boîte parallélépipédique était souvent de cuir bouilli ou de carton-pâte, vernie noire à l'intérieur avec, sur le couvercle, un sujet colorié qui décidait de notre choix : cyclistes en maillots rayés ou petits bateaux de pêche. Les cancres optaient volontiers pour les cyclistes, et les bons élèves pour les petits bateaux. Dans les plumiers à cyclistes, on trouvait souvent du poil-à-gratter, des amorces, un petit pistolet à pomme de terre et un bout de zan soudé au vernis. Le porte-plume neuf, acheté pour la rentrée, était souvent choisi de forme rationnelle, parfois même avec l'emplacement idéal des doigts selon le dernier mot de la pédagogie hygiénique. Il fallait environ huit jours de succion amère pour débarrasser l'extrémité d'un porte-plume neuf de son vernis et lui donner cette consistance fibreuse et attendrie qui favorise la salivation, entretient le rêve et délie l'imagination. Plumes, règles, etc... La question plume était toujours l'occasion de laborieux tâtonnements et, jusqu'au jour où le stylo fut introduit dans les mœurs scolaires, je n'ai jamais pu me décider entre la sergent-major, la demi-molle, la tête-de-mort ou la baïonnette. Chacune avait ses vertus ; je n'étais plus le même garçon selon que j'écrivais avec une tête-de-mort ou une sergent-major, et vous devinez tout ce que la plume baïonnette, tordue comme la foudre, véritable aberration de l'industrie plumière, pouvait inspirer de divagations catastrophiques. Neuves ou encrassées, toutes mes plumes ont trouvé une noble fin dans le jeu qui consiste à introduire le bec de la plume dans la fente du pupitre pour en faire un projectile sournois ; c'est le principe de l'onagre, machine de guerre en usage chez les Romains. Il y aurait long à dire aussi sur la règle et son apprentissage rebutant. Sous une addition calligraphiée, on tire un trait délicat que la règle, en s'écartant, étale comme un panache de tempête. Malheureusement, à cet âge, nous étions très peu à savoir que sous une addition, juste ou fausse, un trait bien baveux ajoute un cachet romantique des plus heureux sur l'équilibre de l'univers. Beaucoup à dire aussi sur les gommes, les gommes à encre en particulier, qui ont pour effet de transformer une tache loyale, ou une faute de participe respirant la bonne foi, en un brouillon pelucheux, innommable ordure, halo suspect où la vétille devient tumeur maligne et foyer d'obscurantisme. Quant au papier buvard, c'est une question qui va loin. Nous entrons là dans le domaine de la féérie. Sauf exception d'ailleurs, les adultes ont perdu l'amour et la connaissance du papier buvard. Si, Dieu merci, il m'en reste encore quelque chose, c'est que j'ai consacré un bon quart de cycle scolaire à découvrir, analyser et mettre en valeur les immenses ressources du papier buvard, complice de toutes les évasions scolaires, pompeur de l'inconscient et révélateur de l'oisiveté surréaliste. Le rire, n° 35, novembre 1948
06.07.2022
Louis
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Les vacances basiques Que l’ouverture officielle des vacances soit avancée au 2 juillet, soit ! cela peut donner aux parents l’espoir d’en finir avec cette première quinzaine de plus en plus stérile et vasouillarde au point de vue labeur. Les maîtres sont requis pour les examens, les pions préparent leurs concours personnels, les élèves débrayent et terminent le parcours dans les heures de permanence lesquelles ne sont pas toujours désagréables, mais généralement dénuées de valeur éducative. Et encore, j’admets que le climat particulier des heures de permanence puisse influencer favorablement la culture générale. J’ai connu des heures de permanence, merveilleusement stériles, qui pèsent plus lourd dans mon bagage que beaucoup d’heures de classe. Remarquons en effet qu’à l’opposé des parents, les élèves, eux, s’accom­modent généralement bien de cette quinzaine traînante et il faut même avouer que cette agonie caniculaire de l’année scolaire vaut la peine d’être vécue si j’en crois mon garçon. Néanmoins, si la période creuse n’était pas reportée sur la dernière quinzaine de juin comme tout le monde s’y attend, on pourrait estimer que la situation serait éclaircie. En revanche, la rentrée au milieu de septembre me paraît une brimade insensée. Il s’agit d’une appréciation tout à fait subjective qui reconnaît à Septembre des vertus extraordinaires. Il serait trop long d’expliquer pourquoi, en refusant à l’écolier la jouissance de cette dernière quinzaine, le législateur accomplit à mon avis un geste inconsidéré qui peut compromettre assez gravement la santé morale et intellectuelle des générations futures. Mais il est permis de s’étonner qu’en l’occurrence l’industrie hôtelière ait imposé sa loi à l’Éducation Nationale. Cela fait longtemps que je surveille de près le fléau touristique. À partir du moment où l’on instaurait un Ordre de Chevalerie Touristique, on pouvait mesurer avec précision le niveau de la décadence. Pour définir sa position devant l’armée européenne, la France attend les directives de la fédération des hôteliers. Notez en outre que le communiqué officiel annonçant le décalage des vacances prend soin de justifier sa décision par l’exemple de l’Angleterre et de l’Amérique. Ainsi nous n’aurons plus à rougir de nos vacances archaïques, et nos collégiens arriérés seront enfin dignes d’être intégrés dans les disciplines de l’occident civilisé. Guide supérieur de nos destinées, le commissariat au tourisme, d’accord avec les syndicats d’initiative, donnera prochainement son avis sur la réforme des programmes scolaires et ses instructions relatives à l’enseignement obligatoire du français basique, ou basic french, au nom des intérêts supérieurs et universels du tourisme. À bien regarder, un grand pas était déjà fait vers l’idéal digest et la sublimation quintessentielle de la langue par la réduction progressive des heures de français. En classe de 4e, trois heures y sont consacrées par semaine. L’année prochaine la compression sera probablement portée à une demi-heure, au bénéfice de l’anglais basique. Le galimatias européen prend tournure. C’est le moment de se taper le basique sur le trottoir en hommage au baragouin libérateur. Aspects de la France, Les vacances basiques, 6 février 1953, n°229
18.06.2022
Louis
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En mettant la main à la plume pour étudier l'évolution des complexes gaullistes dans le bonneteau électoral et le crabier parlementaire, je m'aperçois qu'aujourd'hui nous sommes le 18 juin. C'est la date anniversaire de l'événement historique connu sous le nom d'Appel du 18 juin. Par cet appel le général de Gaulle invitait les combattants à le suivre outre-mer et à continuer la lutte sous son autorité. Personnellement je n'ai ni honte ni mérite à n'avoir pas répondu à cet appel car, dans le coin où je me trouvais, le bruit couvrait la voix du général. Un bruit d'ailleurs qui nous occupait de telle sorte qu'un appel de ce genre pouvait difficilement nous concerner. Nous étions aux environs de Toul et le chef de bataillon qui nous avait menés jusque-là non sans peine depuis Longwy, avait résolu de faire demi-tour par principe, de prendre position et d'employer au mieux ce qui restait de munitions. Tout le monde pensa qu'une telle décision était parfaitement conforme à la règle du jeu. Comme nous étions très fatigués, je ne peux savoir exactement si notre attitude était plus inspirée par le zèle de combattre ou l'impatience de mettre sac à terre, mais il serait idiot de nous chicaner sur ce point. Toujours est-il que nous jouâmes aux petits soldats pendant quarante-huit heures devant l'ennemi qui fut bien obligé d'en faire autant. Peut-être que lui aussi était fatigué et que ses mitrailleurs acceptèrent la provocation avec soulagement. Il y a des moments où, de part et d'autre, dans une guerre de mouvement accéléré, la piétaille est disposée à payer le prix fort de la pause. Après tout on ne sait jamais, cela pouvait donner des espèces de Thermopyles ou une sorte de Marne, mais l'histoire a tourné autrement et ce ne fut qu'une modeste prise de contact, tout ce qu'il y a de réglementaire, mais sans effet stratégique et sans poids sur le destin des nations. Quoi qu'il en soit notre affaire se déroula dans le bruit habituel à ces rencontres et nous ne pûmes percevoir l'appel d'un général qui, au demeurant, n'était pas celui de notre division. Nous fût-il parvenu que, à mon avis et si mes souvenirs sont exacts, le bruit ambiant avait une tonalité trop conventionnelle et classique pour être favorable à l'idée de désertion, fût-elle héroïque, historique, et marquée du signe rédempteur de la réussite. Comme tout le monde j'ai fait ce que j'ai pu pour croire à la réussite providentielle de l'homme du 18 juin. La réussite ayant mal tourné, je ne puis m'associer à l'anniversaire officiel du 18 juin sans réserver une partie de ma ferveur pour le 18 juin de mon bataillon et rendre à ses morts les honneurs discrets qui conviennent de plus en plus aux victimes du devoir conformiste. 18 juin, Aspects de la France, 20 juin 1952, n°196
08.04.2022
Louis
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Le complot n'est pas où vous croyez. La cinquième colonne a son état-major au sein même du cabinet. Admirable machination sous la caution d'étiquettes anodines, tortueuse conspiration dont l'animateur est l'un des personnages les plus notoirement démocratiques, les plus hautement bénins et, ce qui ne gâte rien, les plus finement lettrés de notre vieille élite parlementaire : M. Yvon Delbos. Je ne plaisante jamais avec les grands noms de la République et voici mes preuves.Avec la complicité de son collègue de l'Agriculture, le ministre de l'Éducation nationale vient d'adresser une circulaire aux directeurs d'écoles normales des quatre-vingt-dix départements. Par ce manifeste, le grand maître de l'Université proclame que nos rivières constituent un patrimoine inaliénable et la pêche à la ligne un délassement salutaire. Si vous trouvez que les batteries ne sont pas démasquées, si vous estimez que la proclamation s'apparente au blabla ronflant d'innocents comices, apprenez alors que les directeurs sont expressément conviés à organiser des conférences sur la pêche dans les écoles normales, d'accord avec l'administration des Eaux et Forêts et les fédérations de pêche et de pisciculture. Donc, en pleine fièvre électorale, alors que les forces vives de la nation sont dressées contre les lames de fond de l'abstentionnisme obscurant, l'ordre est lancé en haut lieu et propagé par tout l'appareil administratif jusque dans les plus humbles circonscriptions, d'envoyer le corps électoral à la pêche. Ne pensez pas qu'une circulaire annexe prévoie l'expédition de scrutateurs amphibies collectant les bulletins par étangs et rivières ni l'envoi d'équipes volantes pour le vote à la mouche de mai. Non. C'est l'exaltation sans mélange de la pêche à la ligne totale. Tout le monde aux bambous, foin des urnes ! Pressés par les ministres eux-mêmes de courir à leurs engins factieux et de brandir les attributs traditionnels de l'abstention, les électeurs les plus déterminés ont été la proie du doute. Quelle conscience républicaine, si frétillante soit-elle à l'idée d'accomplir son devoir électoral, ne serait ébranlée par de si hautes et vibrantes exhortations ? Jamais harangue officielle, même les appels au fric dits de salut public et de consolidation républicaine, ne furent si pressants et pathétiques. L'heure est grave et ce n'est pas le moment de préférer les délassements funestes de l'isoloir au délassement salutaire de la gaule refendue. Le message a été entendu : les parties vraiment saines du corps électoral se sont abstenues dans le calme et la dignité, et M. Delbos peut se vanter d'un joli succès avec les 40 pour cent de pécheurs à la ligne unis dans la défense d'un patrimoine inaliénable contre les fallacieux appâts de l'urne braconnière. De frais cours d'eau garnis de scions, de sveltes libellules à la pointe des bouchons, de fines bouteilles baignant dans les roseaux, d'honnêtes regards attentifs à la touche, voilà le vrai paysage de la maturité politique par un beau soleil de scrutin cantonal.Pour parler sérieusement, je crois que M. Delbos en cette affaire a témoigné d'un zèle inutile et peut-être excessif. Il est certain que le Français montre un goût pour la pèche à la ligne. Son goût est-il naturel et millénaire ou bien lui vient-il en contrecoup des institutions républicaines ? C'est une autre question. Mais le fait est là : mouiller du fil est sa tentation saisonnière, et si la propagande officielle, avec ses pataquès et ses flaflas, se mêle de patronner le blé cuit, de subventionner l'asticot et de faire inaugurer les trous à tanches par le préfet, les amateurs vont se méfier, ils vont flairer quelque piège, soupçonner quelque hameçon et nous risquons de voir les meilleurs des Français déserter l'ombre des saules pour aller, à contrecœur et par dépit, taquiner le bulletin. C'est très grave. Il ne faut pas être bien malin pour comprendre que les pécheurs à la ligne n'ont pas dit leur dernier mot et que la vraie France se tient en réserve dans le clan des abstentionnistes. Le scrutin au lancer léger, Aspects de la France, 31 mars 1949
Gravure sur bois de J. Perret
Le vilain temps
Actes du colloque de 2005 à la Sorbonne
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