Grands chevaux et dadas (1975)

"...Bientôt je m'étais dit que plus rien ne restait à découvrir dans ce grenier, sinon le vieux grimoire. Il y était. Grimpé dans la charpente pour glisser un bout de zinc sous une tuile écornée, j'avais aperçu, coincé entre jambette et pinçon, un paquet à demi rongé par les mulots. Rencontrer comme ça le poncif à l'état nature, c'est une gâterie. A vue de nez, je flairais un trésor d'écritures, le document secret, la confession posthume, la trouvaille historique. De nombreux personnages littéraires ou politiques avaient séjourné dans le Parisis, mais le nom de Benjamin Lanlaire, dandy des salons carbonari qu'une tradition orale faisait retiré à Neuvilette dans une maison bourgeoise non identifiée, me traversa l'esprit. Avec des précautions d'artificier je déliai le paxon pour y trouver une cinquantaine de lettres timbrées du Cérès et Mercure, oblitérées de 1875 à 1878. La simplesse de l'écriture me sauta aux yeux mais ne nous y fions pas : tout brûlant de curiosité, j'en parcourus quelques-unes des moins endomagées. Au troisième pli la fièvre avait déjà baissé, au quatrième, l'image d'une édition critique préfacée de ma belle plume avait totalement disparu. Bien qu'emballée dans un numéro du Siècle, tout rempli de l'éléction de Jules Ferry, il ne s'agissait que d'une correspondance intime et de qualité médiocre : l'éternelle et navrante histoire d'un amour qui s'empatouille et s'avillit dans l'impasse du clandestin."
(c) Droits réservés.

Parution :
  • Edition originale, Gallimard, Paris, 1975


Gravure sur bois de J. Perret
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