Voici l’intégralité des chroniques écrites par Jacques Perret dans l’hebdomadaire Aspects de la France. Ce premier tome couvrant les
années 1948 à 1952 nous remet en compagnie de l’écrivain bien connu pour ses talents de polémiste. Chaque
semaine, il inflige un traitement de choc à l’actualité, avec humour, dérision et profondeur.
« Je traverse une période d'indulgence qui frise l'impartialité », c’est dire qu’en temps normal, Jacques Perret prend parti sans ambiguïté, comme l’y contraint la brièveté de la
chronique. À tout seigneur, tout honneur, le premier servi est le lecteur fidèle du journal royaliste, qui découvre une spirituelle mise à nu des institutions républicaines. Mais « un chroniqueur
consciencieux ne doit pas se dérober devant les poncifs saisonniers de sa profession » et Jacques Perret traite pareillement du muguet, du Père Noël, de l’art abstrait, des nouveaux bistrots, des
Anglais, de la Sécurité sociale, des programmes scolaires, de l’Europe, du bruit, de la Guyane, etc., mais sans jamais trop s’éloigner des édiles émerpés ou essephiots.
Ces quelque 150 chroniques raviront les amateurs du style et de la verve de Jacques Perret, au sommet de son talent.
Quelques témoignages et
critiques :
http://www.causeur.fr/jacques-perret-aspects-franc,20947
http://spiritofsixties.canalblog.com/archives/2013/01/17/26174597.html
Jacques Perret, vingt ans après
Louis, petit-fils de Jacques Perret, a souhaité réditer les chroniques politiques de son grand-père. Un premier volume vient de paraître chez Via romana, correspondant à l'immédiat après-guerre
(1948-1952). On attend la suite de pied ferme.
On aime ou on n'aime pas Jacques Perret, mais on ne peut pas ne pas être sensible à sa petite musique de mots, cette salade aux saveurs bien fondues, avec toujours la touche d'exotisme franchouillard
ou d'originalité « perretienne » (c'est comme cela qu'on dit?) qui réveille le palais assoupi et fait qu'on en redemande encore et encore. Et en voilà du neuf! Ou presque. Comment c'est possible?
Jacques Perret est mort en 1992 laissant derrière lui, ensevelies dans les pages de l'hebdomadaire maurrassien « Aspects de la France », des centaines de chroniques, aujourd'hui ressuscitées et aussi
fraîches à déguster qu'au premier jour.
Dans ces textes courts, l'écrivain qui n'a rien à prouver à personne et aucune censure à subir, est absolument lui-même, non seulement dans le ton mais dans le fond.
A la faveur d'un micro événement de la semaine, dont il se saisit, il part dans une élucidation vertigineuse, Cyrano réactionnaire, criant: « A la fin de l'envoi je touche! » On s'aperçoit d'ailleurs
que les problèmes à la fin des années quarante et au début des années cinquante sont sensiblement les mêmes qu'aujourd'hui : cela va du mauvais enseignement de l'histoire au respect de Mère Nature...
en passant par la surpopulation de la planète. Et avec ce poncif de la surpopulation, Perret fait une critique de la massification et de la démocratie.
Ecoutez seulement cette langue triomphale: « M. William Vogdt, sociologue américain, me conseille d'adhérer à sa croisade contre la natalité, dont le slogan serait celui-ci : trop de monde sur la
terre. Certains proclament qu'il y a trop d'imbéciles, ce qui revient au même ; d'autres se contentent de dire qu'il y a trop de Chinois. Et les chauvins totaux pensent qu'un monde désert serait
agréable à 40 millions de Français. Je n'ai malheureusement pas la place d'exposer ici mes vues sur une question où je devine que ma conscience de chrétien serait en difficulté. Mais je note que le
nombre sous toutes ses formes est inconsidérément flatté, choyé, encouragé, qu'il se multiplie bêtement, qu'il pèse non seulement sur chacun mais sur lui-même, qu'il tend à l'unité monstrueuse et
finit par oublier qu'une dizaine est composée d'unités, chose qui assurément ne peut que mal finir. »
Perret est triomphal jusque dans l'esquive. Et au moment où, grand prince, il refuse de répondre sur le fond parce que sa conscience chrétienne est « en difficulté », à ce même moment il
contre-attaque pour mettre en cause le dogme démocratique. Lire ses chroniques d'il y a un demi-siècle, c'est donner un coup de jeune à vos idées!
II nous faut signaler aussi le premier numéro de la revue annuelle des amis de Jacques Perret, « Les Cahiers du Caporal » (en souvenir bien sûr du Caporal épinglé). Vous y trouverez de beaux
témoignages parus dans la presse (même dans le journal « L'Humanité ») lors de sa disparition et le sermon de l'abbé Jean Baillot pour les obsèques du grand écrivain à Saint-Nicolas-du-Chardonnet. De
quoi alimenter votre ferveur pour ce manieur de plume hors pair, dont on peut dire qu'entre Vialatte et Blondin, il a fait entendre, à la hussarde, une musique que l'on n'oubliera pas de sitôt.
Joél Prieur, Minute
• Jacques Perret, La République et ses Peaux-Rouges, Chroniques d'Aspects de la France, tome I, éd. Via Romana, préface de Jean-Baptiste Chaumeil, 298 pp., 28 euros.
• Les Cahiers du Caporal (direction Jean-Baptiste Chaumeil), 128 pp., 14 euros (16, rue Brézin, 75014 Paris).
A l'instigation de l'infatigable Jean-Baptiste Chaumeil, les éditions Via Romana publient pour la première fois en recueil les articles de l'écrivain Jacques Perret (1901-1992) parus dans
l'hebdomadaire royaliste,
Aspects de la France. Perret, c'est évidemment un style et une pensée, mais c'est tout autant un
véritable feu d'artifice de bons mots, qui portent beaucoup plus loin que la simple facétie à laquelle on pense de prime abord. Il y a du Chesterton chez lui, de ce Chesterton dont Valéry Larbaud
disait que beaucoup à Londres voulaient l'imiter sans se rendre compte qu'ils n'avaient pas, eux, de pensée à transmettre. Mais Perret, lui, est bien français, et même gaulois, au meilleur sens du
terme. Ces 150 chroniques, publiées entre 1948 et 1952, traitent de mille sujets, de politique et de littérature, de la philosophie du quotidien et même du sport. Si longtemps après, on se délecte à
les lire, alors même que le temps a passé. Le secret de Perret ? Le talent, tout simplement ! On en redemande.
Philippe Maxence, L'Homme Nouveau
NOUS AVONS REÇU
• Jacques Perret : La République des Peaux-Rouges, chroniques d'Aspects de la France, tome I, 1948-1952 (Editions Via Romana).
On ne présente pas Jacques Perret aux habitués de Lecture et Tradition (1). Jean-Baptiste Chaumeil, dans une belle préface, retrace d'ailleurs la riche carrière du Caporal épinglé, du corps franc au
maquis. Comme la logique la plus rigoureuse se cache sous la fantaisie du romancier, Perret fut maréchaliste parce qu'il était un vrai résistant, le premier résistant de France ayant été le Maréchal
et non un certain général du Micro de Londres comme le pense, hélas, le vulgaire, aisément abusé par les démagogues.
Mais le public connaît mal le journaliste de premier ordre que fut Jacques Perret dans la droite ligne de Léon Daudet, et il était normal que le polémiste qui avait empoigné dans l'Action française
les ânes et les traîtres de la IIIe République eût pour successeur un polémiste qui empoignât dans Aspects de la France les benêts et les imposteurs de la IVe puis de la Ve.
Quelle lecture libératrice dans notre époque grisâtre, racornie, si conventionnelle par ignorance, paresse et veulerie !
En voulons-nous un exemple ? Consommons sans modération les propos de Perret sur la défense du goût français, qui est la défense d'un art de vivre, donc d'une civilisation : « Combien de générations
faudra-t-il pour que soient rincées, lessivées, noyées les dernières traces du particularisme français ? Il n'y a pas de boisson innocente. A Paris, je peux boire une bouteille de coca-cola par
curiosité ou en hommage à nos amis ; une deuxième par bravade... Mais à partir de la sixième je guetterai en moi les premiers symptômes de la dénaturalisation. A la dixième enfin, je me vois muté en
quaker, chose non mauvaise en soi mais absolument contraire au tempérament traditionnel de ma famille. » Et de faire ici ou là — quelles foudres tomberaient aujourd'hui sur lui ? — l'éloge du tabac,
du vrai, le gris, sans aromates cancérigènes, ou du vin, du vin franc et gouleyant que Léon Daudet appelait « le sang de secours ».
Le 17 novembre 1950, il s'indigne à propos d'une brochure sur le baccalauréat qui annonce fièrement qu'il ne saurait désormais exister de carrières pour les êtres dépourvus des diplômes requis. Il
s'agit, prophétise Perret en une formule inoubliable, d'une «véritable option sur la termitière promise ». Il accuse l'Education nationale de se faire l'auxiliaire « du grand complot trinitaire
socialisme-assurancesrationalisation, qui poursuit l'atrophie méthodique de la responsabilité, de l'initiative et de la liberté au sens le plus démodé du mot.»
La « Cité radieuse » de l'architecte Le Corbusier lui inspire de belles réflexions : « Nos architectes les plus hardis n'ont pas considéré que le machin marseillais fût digne d'un peuple qui s'est
offert les hôtels du Marais et les maisons blanches du Val de Loire après l'illustre caverne des Eyzies les hommes comme Le Corbusier sont peut-être à l'avant-garde, mais peut-être à l'avant-garde de
rien... Ils croient que le progrès va toujours dans le même sens et qu'il suffit de renchérir sur l'idée de la veille pour garder son avance. Mais le vrai novateur est celui qui, flairant le
cul-de-sac et la catastrophe, rebrousse chemin. En arrière ! C'est le beau titre du dernier recueil de Marcel Aymé... »
Jacques Perret rappelle encore à ses lecteurs lors de la mort du Maréchal combien il est difficile de revenir sur le mensonge.
Nous terminerons par un passage qui caractérise sa verve, son invention verbale et son indignation de parfait réactionnaire. Certains termes particuliers sont expliqués : « Je sais bien que par
ailleurs nous sommes le peuple le plus évolué du monde et que, pour saisir les nuances de la gamme parlementaire, pour apprécier la finesse des crus électoraux, distinguer un radical de derrière les
fagots chambré à point d'un péhairelle (PAL, parti républicain de la liberté) en bouteille au château, ou le petit piccolo émerpet (MRP) d'une piquette erpéhèphe (RPF), nous avons les plus fins
dégustateurs de la démocratie... Mais quand même, je me méfie. Le buveur qui néglige un demi-setier de Bourgueil pour un kilo de gros bercy décapant, et le vigneron qui se voit obligé de remonter le
degré au préjudice de la vertu, ne sont plus les bons serviteurs d'une civilisation qui est celle du pain et du vin. »
C'est du Daudet, du Léon.
Lisons ces chroniques de Jacques Perret pleines de talent, pleines d'impertinence salutaire dans un temps où l'imposture tient le haut du pavé. Abreuvons-nous de cette prose pour rester des personnes
libres et non des individus assujettis.
G. Bedel, Lecture et tradition